Si l’on vous dit que le marché baisse, il est peut-être temps d’acheter ?

Sommes-nous arrivés à une nouvelle étape de blocage du marché comme en 1991 ? Plusieurs indicateurs peuvent le laisser penser. Le nombre de voitures retirées des ventes aux enchères, les délais de transaction et les montants réellement payés parfois assez éloignés de ceux affichés. Pour autant le marché regorge d’opportunités car il n’y a jamais eu autant de collectionneurs et d’investisseurs. C’est le moment d’être clairvoyant et de revenir sur les fondamentaux de la collection.


De Ferrari à Cartier, dans les cuisines de la fabrique de mythes.

Ferrari 288 GTO
Ferrari 288 GTO - © Ferrari Spa.

Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, pas plus que les voitures de collection. Devant les cotes atteintes par les modèles de marques prestigieuses, en particulier Ferrari, Aston Martin, Maserati, Porsche, il est légitime de s’interroger sur la suite. Petit retour en arrière sur quelques dates clés.

 

1984 : Ferrari dévoile la 288 GTO. C’est le coup d’envoi d’une tendance qui sera lourde de conséquence pour le marché, la réinterprétation des mythes automobiles, via des supercars qui s’inscrivent au-delà des gammes courantes. Dans ce cas il s’agit d’un clin d’œil à la célèbre 250 GTO. Remarquez que si la nouvelle venue, d’abord annoncée à 200 exemplaires sera limitée à 271 exemplaires, son ancêtre de 1962 n’avait trouvé que 36 clients (et ce n’était pas par volonté de limiter la production…).

 


1987 : Cartier rend hommage à Ferrari dans le cadre de sa fondation pour l’art contemporain. Une certaine automobile accède au rang d’œuvre s’art. Enzo Ferrari, encore tout ému de cet hommage met la dernière touche à la mise au point de la F40, la nouvelle supercar qui viendra célébrer les 40 ans de Ferrari en juillet 1987.

La machine est lancée. A son tour la spéculation sur les bons de commande va bon train. Après la 288 GTO, la 959 chez Porsche (1986), la F40 connaîtra aussi le syndrome de la voiture d’occasion vendue plus chère que neuve. Au passage Ferrari renoue avec ses fondamentaux : des voitures légères, vives et taillées pour la piste, joli contre-pied à l’embourgeoisement des modèles de route contemporains.

Hommage à Ferrari, Fondation Cartie
Hommage à Ferrari, Fondation Cartier - © Fondation Cartier

1990 : affolé par la spéculation sur les modèles rouges suite à la mort du Commendatore en août 1988, le marché semble perdre raison. Une 365 GTB/4 Daytona double sa cote de 1986 (700 000 FRF) à 1988 (1 300 000 FRF), pour la doubler encore de 1988 à 1989 (2 800 000 FRF). 

Evolution long terme du prix affiché et payé pour une Dino 246 GT.
Evolution du prix affiché et payé pour une Dino 246 GT. Source RJM Gilligan

Entraînant dans son sillage toutes les Ferrari classiques, mais aussi quelques modèles rares de Maserati, d’Aston Martin, de Lamborghini ou de Porsche. Même les modèles d’occasion récent sont pris du même vertige. Il n’est pas rare de trouver dans les annonces des 328 ou des Testarossa plus chères que neuves, ce qui est une ineptie totale pour des modèles routiers de série.

 

Cette période de la fin des années 80 marque une évolution profonde du côté des constructeurs de prestige. Le temps des productions artisanales élevées au rang de mythe par l’audace créative ou les lauriers des circuits est achevé. C’est calculatrice en main que sont mis en chantiers les supercars de la dernière décennie du siècle, avec des business models bien rodés. La liste sera longue : au début tout le monde croit au coup du siècle, célébrant tel ou tel anniversaire : F40, 959, EB110, Aston Martin Zagato. Pourtant, 20 ans plus tard elles se sont installées dans les gammes des constructeurs de prestige :  Porsche 918, La Ferrari, Aston Martin AM-RB 001, Mc Laren P1 sans parler des nouveaux entrants (Pagani, Koenigsegg).


De Saddam Hussein à Lehman Brothers, les ondes de choc de la finance sur l’automobile de collection.

1991 : la guerre du Golfe sonne le tocsin sur le marché spéculatif, et fige pour quelques mois les espoirs de tant de néo-investisseurs. Mais il faudra bien vendre un jour, et le déclin durera jusqu’en 1994 avant que les cotes ne se stabilisent. En définitive les prix d’après la bulle de 1989-90 reviendront à peu de choses près au niveau d’avant.

Et il faudra attendre 2008 pour un nouveau décollage suite à la crise de confiance du monde de la finance après la faillite de la banque Lehman Brothers. De nouveaux investisseurs se jettent alors sur l’or rouge, réinvestissant au plus vite ce qui a pu être sauvé de la dégringolade boursière dans des actifs tangibles dont on écrit qu’ils "valent mieux que l’or" (titre du livre de l’expert fondateur de l’index HAGI, Dietrich Hatlapa).

Index HAGI Top versus S&P 500 : le choc de 1991 bien visible
Index HAGI Top versus S&P 500 : le choc de 1991 bien visible - © HAGI

Ferrari Testarossa en vente chez Bonhams
Ferrari Testarossa en vente chez Bonhams : ne vous pressez plus, il y en a pour tout le monde !

A nouveau, la cote des modèles rares et de marques prestigieuses s’enflamme, entraînant dans son passage toutes les productions sportives. Les modèles moins aimés prennent aussi place après un bon lustrage sur les tapis des ventes aux enchères. Entre 2004 et 2013 le chiffre d’affaire mondial des ventes aux enchères presque triplé aux USA (+270%) tandis que le nombre de voitures proposées à la vente a été multiplié par 2,3 (source Hagerty). La même tendance est observée en Europe avec les ventes stars organisées par Artcurial, Sotheby’s et RM Auctions.

 

Le ciel commence toutefois à s’assombrir. D’un marché de vendeurs où tout (ou presque) partait au marteau, en 2015 les premières secousses sont apparues. Et les ventes de 2016 n’ont fait que confirmer la tendance d’un assainissement du marché. Pas à proprement parler la fin d’une bulle, mais plutôt une correction qui redonne la main aux acheteurs et récompense ceux qui sont exigeants avec les produits.

 


Quand déflation et passion entretiennent le feu chez les vrais amateurs.

Sans aller dans de grandes théories économiques, il faut rappeler quelques données factuelles pour éviter des comparaisons brutales entre la situation actuelle et celle de 1991.

 

D’abord il n’y a pas de facteur exogène aussi fort que la guerre du Golfe, même si l’ambiance actuelle est durablement plombée par la peur du terrorisme. Ensuite l’économie des pays développés est désormais au régime de la rigueur en zone Euro : déflation et taux d’intérêts nuls semblent durablement installés, mettant les gestionnaires d’épargne dans une situation peu confortable.

 

De fait de plus en plus d’amateurs d’automobiles franchissent le pas pour une double raison. Les baby-boomers aujourd’hui à la retraite ont un patrimoine déjà constitué et de bons revenus d’une part. D’autre part les investissements classiques dans l’immobilier ou dans l’assurance vie monétaire ne servent plus de très bons rendements. Il est temps de se diversifier et de se faire plaisir avec des autos pour rouler le weekend. D’où la flambée de 911 plus ou moins « classiques », des Jaguar E, des DS, des Mercedes SL, ou même des Mini et 2CV anciennes. 

 

Alors que reste-t-il aux autres ? Un océan de choix pour qui sait voir venir. Ceux qui ont acheté des Bugatti dans les années 70, des Ferrari dans les années 80, des Porsche dans les années 90 le savent. Ce qui compte c’est de se positionner avant que la ruée ne démarre. Et de choisir des autos qui plaisent, car un marché de collection restera toujours un marché de passion. Le jour où les investisseurs ne sont plus là, c’est à un collectionneur que vous revendrez votre bijou. Autant y penser lors de l’achat.

Lancia Thema 8.32 vente Baillon
Les sorties de grange de youngtimers ont commencé !

Nous avons déjà traité dans notre rubrique « Modèles à suivre » du cas des BMW série 6, Citroën SM, Ferrari 308, Aston Martin DB7 ou dans un autre registre Bugatti EB 110. La liste est en définitive bien plus longue. Un rapide aperçu à celles qui fêtent leurs 30 ans en 2017 ouvre déjà de belles perspectives, et il y en a pour tous les budgets : Jaguar XJ40 première série (dont ceux qui ne la connaissent pas disent pis que pendre… tout comme la XJ-S il y a 10 ans), Mercedes 190 et 300 CE, BMW Z1, AX Sport, Toyota Supra sans oublier la Porsche 944 (qu’il est encore possible de bien négocier si l’on fait abstraction du prix des annonces). Ce n’est pas un renoncement aux modèles plus anciens, chez lesquels il y a encore nombre de belles opportunités d’investissement, à condition de rester sur de la vraie rareté et d’avoir le temps de les conserver…



Le marché des classiques redonne la voix aux acheteurs. La période d’inflation continue semble passée et il est temps de prendre son temps pour faire de bon choix. Qu’il s’agisse de parier sur l’avenir avec celles qui vont faire leur entrée sur le marché de la collection cette année, ou bien d’investir dans des blue chip avec la conviction que les années passent, le bon goût reste, il y en aura pour toutes les bourses.

Écrire commentaire

Commentaires: 3
  • #1

    Jérôme (jeudi, 15 novembre 2018 16:10)

    Bonjour,
    Je vous ai découvert dans POA et je dois dire que vous êtes sacrément talentueux pour analyser ce marché et notre passion pour les voitures anciennes. Vos articles sont souvent lumineux et extrêmement bien rédigés je dois dire.
    Personnellement je pense qu’il faut être attentif aujourd’hui aux formidables GT sport des années 80-90.
    Je retiendrai pour des voitures françaises la SM et l’Alpine A310, 2 autos particulièrement majestueuses..
    Comme voitures allemandes je pense au Mercedes Type 107 coulpe SLC ou cabriolet SL et au R129 500SL qui d’ailleurs est selon moi la voiture à acheter en ce moment. Il y a aussi la bmw E24 635csi ou la 850. En règle générale toute les M comme la M6, M3 et M5 sont intéressantes. Et la petite E30 en cabriolet est une très belle auto aussi. Le modèle précédent E9 aussi bien qu’il soit déjà assez cher mais toujours raisonnable.
    Concernant les Porsches les 911 étant très chers je miserai sur les 944 et 928! D’ailleurs je suis surpris que vous ne mentionnez pas la 928s/s2/S4 dans votre article, pourquoi parler de la 944 et pas de la 928 toujours abordable? Et quid de la petite 924?
    Concernant les anglaises la XJ-S me semble toujours une bonne option car promise à un grand avenir bien que longtemps boudée voir totalement rejetée! Effectivement la XJ40 aussi... Les Aston Martin me semblent des à présent trop chers.
    Concernant les italiennes, exceptées certaines Alfa toujours abordables et quelques petites jolies Lancia, les autres sont totalement hors de portées, sauf à investir des aujourd’hui dans les young young timers (trop modernes ?) comme par exemple la sublime Maserati 4200 qui a fait l’objet d’un article précédent. A coût sûr un ticket gagnant.
    Mais là on n’est déjà plus dans des autos vintages mais plutôt en plein dans la modernité et c’est une autre histoire...
    Ma question est que pensez vous de la Porsche 928? Personnellement c’est peut être LA voiture qu’il faut acheter maintenant avant que sa cote n’explose vraiment!
    Cordialement,
    Jérôme

  • #2

    Alexandre GUIRAO, CLASSIC AUTO INVEST (jeudi, 22 novembre 2018 11:31)

    Bonjour Jérôme,
    Tout à fait d'accord avec la 928, c'est une belle auto à collectionner encore raisonnable compte-tenu de son contenu technologique et équipement. Deux bémols toutefois qui font qu'elle ne sera jamais "comme une 911" en cote : c'est une auto cruiser, pas une auto de pilote ; et c'est une auto chère à entretenir là où une Carrera 3.2 reste frugale. Donc je la vois rapidement plafonner autour des 50 000 €.

  • #3

    Jérôme (jeudi, 29 novembre 2018 14:52)

    Effectivement la 928 est une pure GT, là une 911 est une vraie sportive, mais je crois aussi aux GT pour l’avenir. (C’est la même idée entre une A110 et une A310).
    En revanche et vous avez raison sa technologie qui était son point fort à l’époque est aussi désormais son point faible pour la collection car elle est très cher à entretenir et pour rester fiable elle a besoin d’un Entretien très rigoureux.
    Un bémol aussi à propos de la XJ-S, c’est une belle auto qui prend de la valeur mais elle est très fragile et donc très cher en entretien... Donc attention avec les Jaguar XJS. Toutes ces voitures sport GT de cette période sont très coûteuses en maintenance et réparation ce qui freinera certainement leur progression en terme de cote future...
    Un bémol aussi avec les BMW qui sont selon moi moins faibles que les Mercedes.. C’est pour cela que Mercedes restera toujours Mercedes et c’est une valeur sûr. Rien ne vaut une bonne vieille Mercedes des années 70-80-90 car leur solidité et le sérieux dans la construction n’avait pas d’egal à cette époque. Je préconise les modèles 107 (slc ou SL), 126 (superbe classe S) et plus particulièrement le coupe 126 SEC, une auto magnifique qui va rapidement grimper en cote, ou le coupe C123 (classe intermédiaire associée à la classe E) qui a une réputation incroyable pour la marque. Enfin on peut rajouter les 2 derniers modèles des années 90 qui sont considérées par les puristes comme les 2 dernières vraies Mercedes de l’histoires, la SL R129 et la W124. Là encore privileger le coupe C124 ou le cabriolet qui ont un bel avenir devant eux. Et pour les bourses bien garni l’ideal est de trouver l’ultime R129, l’AMG 60 qui va exploser plus tard.
    Après tout ces modèles, le constructeur a mis la priorité sur les coûts et l'aspect Financier avant de penser à la qualité et la fiabilité ce qui s’est malheureusement fait ressentir sur les modèles suivant. Sans parler de l’électronique qui enlève toute l’autonomie aux propriétaires de voitures modernes.
    En parlant de voiture plus moderne et pour ceux qui ne dispose pas de 30000 euros ou plus pour acquérir une Maserati 3200 ou 4200 GT, une Jaguar XK ou une Aston Martin plus onéreuse je pense que la Maserati quattraporte est une belle voiture abordables et surtout l’alfa Roméo GTV V6 avec son fabuleux moteur Busso qui est selon moi LA voiture italienne aujourd’hui à considérer (10000 euros) qui à coup sûr prendra de la valeur dans les années à venir. Je miserai volontiers sur ce modèle.
    Je sais que vous êtes propriétaire d’une Alfetta GTV 2000 plus ancienne, une belle auto mais c’est quand même dommage de n’avoir pas plutôt investi dans une GTV6 de la même époque car le V6 Busso sera toujours une icône en matière de moteur sportif et de caractère et c’est cette alfa que les passionnés voudrons acheter.
    Cordialement,
    Jérôme

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :


CLASSSIC AUTO INVEST SARL  -  RCS 823 394 812 Tours - contact@classicautoinvest.fr